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Misère et pauvreté

par François de Ravignan

mardi 14 mars 2023

A propos du livre de Mahjid Rahnema


Du livre de Mahjid Rahnema Quand la misère chasse la pauvreté (Fayard/Actes Sud, 2003), il ressort très clairement que le développement, sous toutes ses formes, y compris son dernier avatar (durable) n’est pas compatible avec un véritable renouvellement économique et social qui fasse la place aux pauvres. L’économie sociale (on pourrait ajouter, pour faire bonne mesure, et solidaire), dans ses formes les plus courantes, y apparaît comme complice de ce développement imposé aux pauvres et qui ne tient compte ni de leur réalité ni de leurs aspirations. Me revient en mémoire l’exemple de ces amis éleveurs récemment rencontrés qui, au début de leur installation agricole il y a vingt ans, furent poussés par les services de développement de la Chambre d’Agriculture de l’Aude à élever des bovins, et qui, résistant aux sirènes du "développement agricole", se sont maintenus depuis dans un élevage de chèvres volontairement limité, ce qui leur permet de vivre d’autres valeurs que celles de la société dominante, de consacrer du temps à une solidarité vécue, à l’action syndicale etc Voici ce qu’écrit Mahjid Rahnema dans le livre précité :

"La société met au point tout un ensemble de stratégies à caractère social, éducatif, économique, sanitaire, etc, de mesures de persuasion et de dissuasion, de programmes de formation, de rééducation et d’intégration sociale, pour "moderniser" les pauvres, les transformer en sujets de désirs et de besoins. L’assistance sociale proprement dite ne sera alors plus considérée comme la fourniture de bouées de sauvetage elle se sera transformée en instrument dynamique et préventif incitant chacun à alimenter la machine productive C’est à l’`économie sociale’ qu’il revient d’avoir jeté les bases d’un véritable `gouvernement de la pauvreté’ (p 256) Cette économie sociale n’a jamais cherché à remettre en question le pricipe d’expansion de la production " (qu’on, en juge par l’exemple de l’évolution des coopératives agricoles françaises !). "Elle a pris au contraire très au sérieux les avertissements de Malthus au sujet de son `paysan irlandais’(cf p 253 : un pauvre assez semblable à ceux des sociétés vernaculaires, un archétype humain plutôt menaçant pour l’avenir de l’économie qui ne semblait aucunement attiré par la possession d’objets, heureux de son état. Véritable anti-homo oeconomicus, il représentait une menace permanente pour la croissance économique) et estimé que ce dernier ne devait pas être considéré comme un adversaire du pouvoir, mais comme l’un de ses futurs alliés. La société avait donc tout intérêt à prendre soin de lui, à l’éduquer pour en faire un sujet de désir et de besoins ; pour qu’il intériorise les nouvelles valeurs et consente de son plein gré à mettre son travail au service de cette société de consomation (p 258)". Je pense, en lisant ces lignes, à l’évolution qui a affecté les paysans français depuis 1960, et qui en est l’illustration parfaite, jusqu’au désastre actuel qui en résulte pour beaucoup sinon pour la plupart.

L’’Etat providence’ apparaît comme l’outil premier de ce `gouvernement de la pauvreté’ : "il prend en charge la question de la pauvreté Il est infiniment plus préoccupé de se protéger des pauvres que de leur accorder un statut de citoyen à part entière, qui pourrait mettre en cause les structures discriminatoires de la société (p 261) Les promoteurs des grandes réunions internationales régulièrement organisées en faveur de l’aide aux pauvres évitent soigneusement tout débat sur les causes profoncdes de la misère et de l’injustice. En effet ils savent pertinnemmment qu`un examen attentif de ces causes dévoilerait l’imposture perpétuée aujourd’hui à l’échelle mondiale sous le masque de l’aide " (p267) L’auteur critique ensuite Stiglitz qui, constatant (dans la Grande Désillusion que "la mondialisation ça ne marche pas" n’en propose pas moins des solutions de "chirurgie esthétique" pour améliorer la situation (p 278). "Aussi le temps est-il venu de voir la vérité en face : il faut soit se résigner à une version modernisée de servitude volontaire (le développement durable par exemple que l’auteur critique à la page précédente) et accepter toutes les conséquences du nouveau système de gouvernance que l’économie de marché nous a déjà imposé, soit nous mettre individuellement et collectivement, chacun à notre niveau de possibilités, à la recherche de nouveaux paradigmes . " (p 282).


Voir en ligne : Misère et pauvreté

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